Lettre ouverte au Comité d’élection du procureur de la CPI : faire preuve de tolérance zéro pour le harcèlement sexuel

Un groupe d’organisations de la société civile a envoyé une lettre au Comité d’élection du procureur en amont de leur rencontre à New York le 21 février, afin d’exhorter le Comité à mettre en place un système de vérification débouchant sur l’exclusion des candidats qui commettent, cautionnent ou ignorent des actes de harcèlement sexuel. Voici le texte complet de la lettre (disponible également ici).

Le Comité d’élection du procureur (ci-après, le « Comité »), dans le cadre de l’examen des candidats pour le poste de procureur près de la CPI, s’acquitte d’une tâche essentielle pour s’assurer que le prochain procureur incarne la « haute considération morale » exigée aussi bien par le Statut de Rome que la dignité de la fonction en tant que telle. Avec cette lettre, nous appelons le Comité à mettre en place un processus de vérification et d’entretiens débouchant sur l’exclusion des candidats qui commettent, cautionnent ou ignorent des actes de harcèlement sexuel sur le lieu du travail ou ailleurs.

Voici trois mesures que le Comité pourrait adopter pour atteindre l’objectif ci-dessus :

1) Adoption d’une définition claire, exhaustive et publique de l’expression « haute considération morale » incluant une tolérance zéro concernant tout antécédent de harcèlement sexuel.

2) Solliciter, accueillir et partager avec le Comité dans son ensemble, ainsi qu’élaborer un processus pour considérer toute information externe crédible faisant la lumière sur les antécédents des candidats à ce propos.

3) Après avoir accordé aux candidats l’occasion de répondre, exclure ceux ou celles pour qui des préoccupations se font jour sur la base desdites informations, ou suite aux réponses des candidats à des questions claires et ciblées.

Le mandat du Comité, tel que défini par les Termes de Référence, exige à ce dernier qu’il « examine les candidatures (…) à la lumière des critères prévus » comme le stipule l’article 42-3 du Statut de Rome. Il convient de noter que parmi tous les critères, la « haute considération morale » est mentionnée en premier, suivie par des critères afférents à la compétence et à l’expérience. L’avis de vacance de poste exigeait, en outre, une « intégrité personnelle et professionnelle irréprochable ». En tant que facilitateur du processus de nomination et d’élection, chargé d’examiner les candidatures, de présélectionner et d’établir la liste des candidats plus qualifiés, le Comité doit assumer la responsabilité de la sélection d’un ensemble de candidats incarnant une haute considération morale. En l’absence d’une définition claire d’une telle expression, aussi bien le Comité que les États parties (qui sont les électeurs ultimes du nouveau Procureur) peuvent éluder leurs responsabilités grâce à ce flux le plus total.

Des mouvements mondiaux et nationaux visant à mettre fin au fléau du harcèlement sexuel de la part des puissants sont en train d’émerger. Si la Cour pénale internationale veut fonctionner et être perçue comme une institution pertinente et réactive, la Cour elle-même et les États parties doivent répondre aux demandes de ces mouvements par le biais d’une action visible. L’élection d’un nouveau procureur constitue une véritable opportunité pour les États parties à la CPI, par le biais du Comité, de ce faire, en s’assurant que les candidats ayant commis, cautionné ou ignoré des actes de harcèlement sexuel ne soient pas retenus.

La Cour pénale internationale est perçue comme un symbole en ce qui concerne la poursuite des crimes sexuels et à caractère sexiste. Le harcèlement sexuel peut avoir un impact négatif concret sur l’enquête et la poursuite de ces crimes. Ceux ou celles ayant subi des actes de harcèlement ou placé.e.s en situation d’impuissance sont moins susceptibles d’identifier, de faire des suggestions et d’agir dans le cadre d’enquêtes concernant ce type de crimes. En outre, un environnement professionnel dans lequel les femmes en particulier, mais aussi les hommes, sont harcelé.e.s, affecte négativement leur productivité et leur efficacité.

Enfin, le fait de ne pas examiner dûment les candidatures fait courir des risques énormes en termes de réputation et en matière financière à la Cour. Compte tenu du fait que la réputation de l’institution a déjà été ternie par le passé à cause de graves défaillances en ce qui concerne la haute considération morale, la CPI ne peut se permettre aucune forme de laxisme dans le choix du nouveau procureur.

Pour ce qui est de l’information disponible pour le public, le Comité évalue, à l’heure actuelle, une présélection des candidats, et fera passer des entretiens fin avril. Bien que la présélection en tant que telle ne soit pas publique, une analyse informée du domaine de la justice internationale permet de dresser une liste plausible des prospects potentiels. Nos craintes se fondent sur l’expérience documentée et vécue de certain.e.s professionnel.le.s du droit, concernant laquelle un sondage récent indique que les femmes, en particulier, mais aussi les hommes, subissent, fréquemment, des actes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Nous rédigeons le présent courrier car nous sommes des fervents partisans de la Cour, et car nous considérons le processus d’élection comme un moment idéal pour renforcer la CPI. Le procureur est le visage public de la Cour, et en tant que tel, il détient un pouvoir aussi bien réel que symbolique. Nous nous tenons prêts à proposer des ressources, ainsi qu’à soutenir le Comité afin de faire en sorte que le nouveau procureur soit libre, aussi bien sur le papier que dans les faits, de tout soupçon de harcèlement sexuel.

Open Society Justice Initiative

Women’s Initiatives for Gender Justice

Fédération international des ligues des droits de l’homme (FIDH)

Justice International

Observatoire ivoirien des droits de l’homme

Action Mondiale des Parlamentaires

Transitional Justice Coordination Group – Afghanistan

The Legal Defence and Assistance Project (LEDAP) 

Nigerian National Coalition for the ICC

The Kenyan Section of the International Commission of Jurists

Africa Legal Aid

Coalition malienne pour la CPI

Coalition centrafricaine pour la CPI

Justice Without Frontiers

United Nations Association of Sweden

Institute for Security Studies (South Africa)

Global Rights Compliance

Women’s Link Worldwide

International Refugee Rights Initiative (IRRI)

International Center for Transitional Justice (ICTJ)

Center for Constitutional Rights

Global Justice Center

Journalists for Justice

Encadrement des Femmes Indigènes et des Ménages vulnérables (EFIM)

Centre d’Education et de Recherche Pour les Droits des Femmes (CERDF)

La Ligue Pour la Solidarité Congolaise

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