L’audience de confirmation des charges dans l’affaire Ntaganda s’ouvre devant la CPI

Aujourd’hui, dix mois après qu’il se soit rendu à la Cour pénale internationale (CPI), le chef de la milice congolaise Bosco Ntaganda comparaît devant la Cour lors d’audiences déterminant si les charges retenues à son encontre devraient faire l’objet d’un procès.

Le procureur Fatou Bensouda a déclaré que M. Ntaganda et la milice des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), dans laquelle il avait été commandant, avaient persécuté des civils et avaient commis des meurtres, des viols, de l’esclavage sexuel ainsi que des pillages.

« Le célèbre commandant connu sous le nom de « Terminator » est ici devant vous à cause du rôle qu’il a joué dans la réalisation d’une campagne de terreur contre des femmes et des enfants » et de son manquement à arrêter ou à punir ses soldats qui ont perpétré des crimes », a-t-elle indiqué.

L’avocat de M. Ntaganda, Marc Desalliers, a toutefois accusé les procureurs de communication tardive des éléments de preuve à la défense, de défaut de présentation d’un dossier ciblé et de ne pas avoir de preuves suffisantes pour présenter l’affaire devant le tribunal.

Il a déclaré que neuf ans après que l’accusation ait débuté ses enquêtes, lorsque M. Ntaganda s’était rendu à la Cour, Mme Bensouda avait demandé un délai de neuf mois avant la tenue des audiences de confirmation des charges « car ils n’avaient pas d’éléments de preuve contre M. Ntaganda ».

Desalliers a indiqué que lors de sa première comparution devant la Cour en mars dernier, il était accusé de sept crimes de guerre et de trois crimes contre l’humanité. Un mois avant les audiences de confirmation des charges, le procureur avait porté le nombre de charges de 10 à 18 et les formes de responsabilité de une à sept. L’avocat de la défense a soutenu que cela privait l’accusé de son droit d’être informé rapidement de la nature des charges retenues à son encontre.

Bien que l’accusation ait antérieurement accusé M. Ntaganda d’être un co-accusé, les formes de responsabilité incluent maintenant la responsabilité en tant que commandant. Elle fait valoir qu’il savait ou aurait dû savoir que ses forces perpétraient ou étaient sur le point de perpétrer des crimes mais qu’il n’avait ni empêché ni réprimé leur commission.

Avant de se rendre à Kigali, au Rwanda, en mars dernier, M. Ntaganda s’était évadé de la Cour qui avait émis le premier mandat d’arrêt à son encontre en 2006. Il vivait dans l’est de la République démocratique du Congo, alternant le commandement de forces gouvernementales et le commandement de milices combattant le gouvernement.

Ntaganda répond à 13 chefs de crimes de guerre, notamment de meurtre et de tentative de meurtre sur des civils, d’attaque de la population civile, de viol de civils, de viol d’enfants soldats, d’esclavage sexuel de civils, d’esclavage sexuel d’enfants soldats, de pillage et de déplacement de civils. Les autres chefs comprennent les attaques contre des biens protégés, la destruction de biens ainsi que la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans des hostilités.

Il répond, de plus, de cinq chefs de crimes contre l’humanité : meurtre et tentative de meurtre de civils, viol de civils, d’esclavage sexuel de civils, de persécution pour des raisons ethniques et transfert forcé de population.

Tous les crimes auraient été commis dans la province congolaise d’Ituri entre septembre 2002 et septembre 2003. Les procureurs affirment que 740 personnes ont été tuées lors des campagnes du groupe de M. Ntaganda.

Les procureurs soutiennent que M. Ntaganda était le sous-chef d’état-major des FPLC, la branche armée de l’Union des patriotes congolais, un groupe dirigé par Thomas Lubanga, qui a été en juillet 2012 condamné par la CPI à 14 ans de prison pour le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.

Selon le procureur, les groupes dirigés par M. Lubanga et M. Ntaganda étaient au départ composés de membre du groupe ethnique Hema et visait à chasser la population qui n’était pas Hema, en particulier les Lendu et les Ngiti, de plusieurs zones d’Ituri.

« M. Ntaganda a enrôlé et conscrit pour que l’armée conserve le contrôle du territoire et prenne de nouvelles zones », a déclaré Mme Bensouda. Elle a indiqué que l’accusé avait joué un rôle essentiel dans la planification des attaques de civils, la sécurisation des armes, le recrutement, l’entraînement et le déploiement des troupes.

L’avocat de la défense, M. Desalliers, a accusé le procureur d’être « incapable de définir des charges simples et claires » et a réfuté les argumentations de Mme Bensouda selon lesquelles l’origine du conflit en Ituri provenait d’un groupe Hema qui voulait chasser les autres groupes ethniques. Il a précisé que plusieurs commandants des FPLC n’étaient pas Hema, soulignant que M. Ntaganda était un Tutsi et non un Hema.

L’avocat de la défense a déclaré que les éléments de preuve montreraient que les évènements qui étaient le socle des charges portées à l’encontre de M. Ntaganda n’étaient pas les attaques contre les populations civiles. M. Desalliers a indiqué que M. Ntaganda avait choisi de comparaître devant la CPI car il était confiant sur le fait que les juges dépasseraient « la caricature que l’accusation avait créée » et qui le décrivait comme « Le Terminator ».

Les audiences de confirmation des charges se poursuivront demain matin.