M. Ntaganda a enlevé des écoliers puis les a enrôlé dans sa milice

Bosco Ntaganda a enlevé des enfants dans une école primaire de garçons et les a enrôlé dans sa milice, selon le témoignage d’un témoin de l’accusation apporté devant la Cour pénale internationale (CPI). Le témoin a déclaré que M. Ntaganda avait dirigé un groupe de soldats lors d’un raid à Muzipela dans l’est de la République démocratique du Congo et qu’il s’était emparé d’un nombre indéfini d’enfants qu’il avait enrôlé dans sa milice.

« Lorsqu’il est arrivé, les enfants étaient encore dans leurs salles de classe. Ils a emmené quelques instituteurs de force et leur a demandé d’ouvrir les portes des salles de classe. Il a pris certains enfants de la [classe de] dernière année et les a emmené de force par la route à Mandro », a indiqué le témoin, qui se présentait à la barre pour la deuxième journée devant la CPI sous le pseudonyme de témoin P190. Mandro accueillait un camp d’entraînement des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), le groupe dont M. Ntaganda était le commandant en chef.

Interrogé par l’avocat de première instance Eric Iverson pour savoir pourquoi M. Ntaganda avait pris plus particulièrement des écoliers de primaire, le témoin P190, qui affirmait avoir assisté aux événements, a précisé que les FPLC avaient besoin de recrues pour soutenir son combat contre la milice rivale du groupe ethnique Lendu. Il a déclaré que l’école de Muzipela était située près du camp de Mandro et que les habitants de la localité voisine appartenaient aux groupes ethniques Hema et Bira, alliés des FPLC.

« Mais je ne suis pas capable de vous dire pourquoi il avait choisi spécifiquement cette école et ces enfants de primaire alors qu’il y avait une école secondaire près de Mandro et une autre à Bunia », a ajouté le témoin. Il n’a pas clairement été indiqué si le témoin était un membre du groupe de M. Ntaganda.

Depuis qu’il s’est présenté à la barre hier, l’essentiel de la déposition du témoin P190 a été entendu à huis clos. Les juges lui ont accordé d’autres mesures de protection, notamment la déformation numérique de la voix et du visage pendant les transmissions publiques de son témoignage, pour éviter les risques potentiels en matière de sécurité pour sa famille et lui-même.

Dans les brefs moments tenus en séance publique cet après-midi, le témoin P190 a déclaré que le camp de Mandro, dans lequel les écoliers avaient été emmenés, était simplement un terrain composé de quelques huttes sur lequel les vaches paissaient. C’est sur ce terrain que les enfants ont été entraînés à la manipulation des armes et au tir. Le témoin a indiqué que les enfants avaient été formés également aux tactiques « de menaces et d’intimidations ».

« Il [M. Ntaganda] a dit que dans toutes les révolutions, on devait connaître son ennemi et que le premier ennemi était les Lendu. C’est la phrase que répétaient tous les soldats présents à Mandro », a précisé le témoin.

Le témoin P190 n’a pu donner le nombre exact d’enfants enlevés de l’école pour le camp. Il a estimé toutefois qu’il y a pu avoir environ 100 enfants à Mandro, comprenant d’autres enfants arrachés de force dans d’autres localités. Il a déclaré que les enfants du camp étaient âgés entre 11 et 13 ans. Selon le témoin, si quelqu’un tentait de fuir, il était abattu.

« Quelle était la réaction des familles des enfants enlevés ? », a demandé Me Iverson.

Le témoin a répondu qu’il y avait eu des réactions très négatives de la part des autorités scolaires et des famille des enfants. « Vous pouviez entendre, tout le long de la route, les familles pleurer mais M. Ntaganda n’en avait rien à faire. Tout le monde avait peur de lui. Les familles pleuraient et hurlaient mais elles ne pouvaient rien faire », a-t-il ajouté.

Ntaganda, un ancien chef adjoint de l’état-major des FPLC, est jugé devant la Cour basée à La Haye pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont le meurtre, le viol, l’esclavage sexuel, le pillage et l’utilisation d’enfants soldats. Les crimes présumés, que M. Ntaganda nie, ont été commis dans la province d’Ituri, en RDC, en 2002 et 2003.

Thomas Lubanga, l’ancien président des FPLC, a été la première personne condamnée par la CPI. Il purge actuellement une peine de prison de 14 ans pour le recrutement, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants de moins de 15 ans dans un conflit armé.

Demain matin, la défense procèdera au contre-interrogatoire du témoin P109.