Réactions de la population d’une localité de l’Ituri sur le procès de Bosco Ntaganda

Cet article a été préparé par notre partenaire Radio Canal Révélation, une station radio basée à Bunia, en République démocratique du Congo (RDC), dans le cadre d’un projet de radio interactive pour la justice et la paix qui favorise la mise en débat des questions touchant à la justice en RDC. Les vues de la population relayées dans cet article sont celles des personnes interviewées et ne représentent pas forcément les vues de tous les membres de la communauté ni celles des victimes.

Les habitants de Lopa, quartier général de Bosco Ntaganda, dans la province de l’Ituri en République démocratique du Congo (RDC), réclament les enquêtes de la CPI et les réparations aux victimes des suites de sa présence dans leur localité. Les crimes commis à Lopa ne sont pas vises dans l’affaire de la CPI contre Bosco Ntaganda. En effet, dans les cas de commission massive de crimes, le procureur de la CPI sélectionne une partie des violations aux fins du procès en fonction des éléments de preuve récoltés.

Lopa est une localité stratégique qui contrôle l’accès aux mines d’or congolais, à la frontière ougandaise et aux douanes. Il est allégué que M. Ntaganda y était basé pendant une certaine période et a lancé plusieurs attaques depuis le village, ce qui a attiré les représailles des militaires opposants. La population se plaint du fait que la communauté internationale, l’Organisation des nations unies, les organisations non-gouvernementales et la Cour pénale internationale les ont oubliées. Ils se sentent délaissées et craignent une perception qu’ils ont accueilli et aidé M. Ntaganda, alors que sa présence a entraîné des violations à l’encontre de la population.

Le procès de Bosco Ntaganda, ancien chef rebelle congolais, se déroule actuellement devant la Cour pénale internationale (CPI) à la Haye. Jugé pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis en 2002 et 2003 dans l’est de la RDC, l’accusé témoigner pour sa propre défense depuis plusieurs semaines dans le cadre de la présentation des moyens à décharge. Le procureur a déjà conclu la présentation des éléments de preuve à charge.

« Bosco et son état major ont occupés de force des maisons de la population chez nous. Au moment des combats pour les déloger, des biens ont été incendiés, tout a été consumé dans les maisons. Beaucoup de gens ont perdu la vie, des femmes, des enfants et des jeunes. Même les miens sont morts » a dit M.D, leader de cette localité, qui se trouve à 30 km au nord de la ville de Bunia, dans la collectivité des bahema baguru, territoire de Djugu.

Les habitants de cette localité souhaitent que la CPI fasse une descente sur place pour vérifier ces allégations, car selon eux, de loin elle ne saura pas la vérité sur ce qui s’est passé.

Bosco Ntaganda délogé, les Forces Armés de la RDC (FARDC) ont occupé les mêmes maisons pendant longtemps, a ajouté M. M., un autre habitant de Lopa. «Ils avaient trouvé cet endroit très stratégique pour le combat» a dit un autre leader local.

Selon un autre leader communautaire, rien n’a été fait pour reconstruire Lopa. « Les organismes humanitaires ont reconstruit des écoles partout, mais n’ont rien fait ici. La conséquence est que ce sont des enfants [des écoles primaires] qui sont exploités pour reconstruire les écoles » a-t-il dit.

M. D. est un autre habitant de Lopa. Il a profité de notre passage sur place pour poser une question à la CPI : « Bosco Ntaganda n’a pas tué ici, mais il a assuré notre sécurité. Ce n’est pas à lui de réparer, d’ailleurs il n’a rien. Qui va finalement réparer les victimes d’ici ?»

A travers la radio Canal Révélation, Nicolas Kuyaku, Chargé de Sensibilisation au Bureau du terrain de la CPI en Ituri les a expliqué que la CPI n’a pas clôturé avec ses enquêtes en Ituri. Les crimes qui auraient été commis à Lopa ne font pas partie des crimes reprochés à Bosco Ntaganda, mais rien n’empêche que le procureur mène d’autres enquêtes et d’autres procès pour ces faits à l’avenir.

« Que les victimes se calment. Il n’est pas exclu que les représentants des victimes s’entretiennent avec les victimes dans tous les coins de l’Ituri. Le travail doit être fait d’une manière professionnelle pour les communautés afin que les victimes puissent bénéficier d’une justice juste » a dit Kuyaku.

Le Bureau du terrain de la CPI en Ituri, s’est même engagé auprès de notre Reporter David Ramazani à planifier prochainement une rencontre avec les habitants de Lopa, pour échanger sur la CPI.