Les juges rejettent la demande de la défense de suspendre le procès de M. Ntaganda qui se tient devant la CPI

Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) chargés de l’affaire de l’ancien commandant rebelle congolais Bosco Ntaganda ont rejeté une demande de la défense de suspendre temporairement le procès. La demande résulte de la nomination de la juge Kuniko Ozaki en tant que juge à temps partiel. La juge Ozaki, qui est un des trois juges de la Chambre de première instance VI, n’est plus, ce moi-ci, un juge à plein temps dans l’affaire après qu’elle ait été nommée ambassadrice du Japon en Estonie.

La juge, qui a été, le mois dernier, autorisée à exercer ses fonctions jusqu’à la fin de la phase de détermination de la peine. s’est abstenue de statuer sur la demande de la défense concernant la suspension. Les autres membres de la Chambre, le juge président Robert Fremr et le juge Chang-ho Chung, ont décidé qu’une suspension de la procédure n’était pas justifiée à ce stade avancé du procès, qui plus est, avant que la défense ne dépose une demande de récusation de la juge Ozaki du procès.

Un autre revers pour les avocats de M. Ntaganda a été le rejet par la Présidence de la Cour de leur demande de divulgation complète de toutes les informations et communications relatives à la demande de la juge Ozaki de modifier son statut et l’ensemble du raisonnement des juges qui ont accédé à sa demande. Lors de la réunion plénière des juges qui s’est tenue le mois dernier, 14 juges ont approuvé la demande de la juge Ozaki, trois s’y sont opposés et un, le jugeTomoko Akane, s’est abstenu.

Stéphane Bourgon, qui est le conseil principal de la défense de M. Ntaganda, a soutenu dans une demande du 1er avril 2019, que la nomination de la juge Ozaki en tant qu’ambassadrice plaçait la juge en violation de l’article 40(3) du Statut de Rome, qui énonce que les juges tenus d’exercer leurs fonctions à temps plein au Siège de la Cour ne doivent se livrer à aucune autre activité de caractère professionnel.

Il a ensuite affirmé qu’un manquement à suspendre immédiatement le procès risquait de ternir l’image des deux autres juges de la Chambre de première instance VI « du fait de leur participation à des délibérations avec un juge qui pourrait par la suite être récusé au moment de leurs délibérations communes ».

Cependant, dans une décision prononcée aujourd’hui, la Présidence a affirmé qu’elle considérait que, « à première vue, les demandes équivalaient à une recherche à l’aveuglette » et que ce type d’exercice avait déjà été rejeté par les tribunaux internationaux. Ils ont déclaré qu’il n’existait actuellement aucune base légale justifiant les demandes faites par la défense.

Selon la Présidence, cette décision a été prise après consultation de l’ensemble des juges ayant participé à la réunion plénière qui a approuvé la modification du statut de la juge Ozaki.Cependant, les juges Fremr et Chung, sur leur demande, ont été exemptés de toute participation à l’examen des demandes de la défense. Outre le fait de présider le procès Ntaganda, le juge Fremr est également le vice-président de la Présidence.

Dans la décision d’aujourd’hui, les juges ont rejeté la demande de la défense faite à la Présidence de demander au Greffe de faire savoir si, lors des réunions réalisées avec les représentants du gouvernement japonais en janvier dernier, la question de la demande de démission de la juge Ozaki avait été débattue.

En demandant la suspension du procès, Me Bourgon a soutenu que la nomination de la juge Ozaki et sa conduite par rapport à cette nomination constituaient des motifs de croire qu’elle devrait être récusée sur la base d’un manque d’indépendance ou d’apparence de partialité. Il a demandé une suspension temporaire des délibérations jusqu’à ce que la défense ait la possibilité raisonnable d’intenter une action pour savoir si la juge Ozaki doit être récusée de l’affaire Ntaganda.

Toutefois, les juges Fremr et Chung ont décidé que les demandes de la défense pour appuyer la nécessité d’une suspension étaient en grande partie spéculatives puisqu’elles reposaient sur l’espoir que la demande de récusation en cours soit accordée. Ils ont également souligné que la juge Ozaki avait été nommée ambassadrice à une phase très tardive de la procédure, « plus d’un an et demi après la présentation des conclusions orales finales et, par conséquent, que cela n’affectait pas la gestion par la chambre du procès ou de l’audition des témoignages. »

Le procès Ntaganda pour des crimes qui auraient été commis en République démocratique du Congo en 2002 et 2003 s’est ouvert en septembre 2015 et, en septembre dernier, la défense et l’accusation ont présenté leurs déclarations orales finales.

Les juges Fremr et Chung ont toutefois considéré que le risque que l’indépendance de la chambre soit affectée par toute récusation potentielle ou que la confiance du public en l’indépendance de la justice soit remise en question était insuffisamment justifié lorsque l’on tenait compte de la gravité d’une suspension du procès.

Les juges de première instance ont affirmé que la Chambre de première instance VI ne délivrera aucun jugement sur la culpabilité ou l’innocence de M. Ntaganda avant la décision sur la demande de récusation. Par conséquent, « si la défense déposait une telle demande avant la finalisation du futur jugement, la Chambre ne planifiera, ou, s’il est déjà prévu, ne reportera pas, le prononcé du jugement »