Le procureur de la CPI déclare qu’il n’y a aucun motif de récuser la juge Ozaki

Le procureur Fatou Bensouda de la Cour pénale internationale (CPI) s’est opposé à la demande de récusation de la juge Kuniko Ozaki, faisant remarquer qu’il n’y a aucune preuve qui puisse suggérer qu’elle soit partiale à l’encontre de l’ancien commandant rebelle congolais Bosco Ntaganda.

Dans un document du 27 mai, Me Bensouda a déclaré que la défense n’avait pas réussi à satisfaire aux exigences élevées de la norme basée sur un fait spécifique de l’article 41(2)(a) qui prévoit qu’un juge ne peut participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle son impartialité pourrait raisonnablement être mise en doute pour un motif quelconque. Elle a soutenu qu’un observateur raisonnable, correctement informé des circonstances de la demande de récusation, ne pouvait raisonnablement et objectivement appréhender une partialité de la part de la juge Ozaki.

Les avocats de M. Ntaganda ont déposé ce mois-ci une demande pour que la juge soit récusée du procès, qui s’est ouvert devant la CPI en septembre 2015. Ils ont indiqué que la juge a enfreint le règlement de la Cour lorsqu’elle a exercé les fonctions, pendant une brève période du mois dernier, d’ambassadrice du Japon en Estonie et celles de juge à temps partiel dans le procès Ntaganda.

La défense a invoqué l’article 41(2) du Statut de Rome, qui prévoit que les juges n’exercent aucune activité qui soit incompatible avec leurs fonctions judiciaires ou qui fasse douter de leur indépendance.

Dans ses observations, Me Bensouda a rappelé que les juges réunis en plénière ont conclu à la majorité absolue que le poste d’ambassadrice de la juge Ozaki n’interfèrera pas avec sa fonction judiciaire dans le procès et n’affectera pas la confiance en son indépendance selon les termes de l’article 40(2).

Selon le procureur, la demande de récusation de la défense demande un véritable réexamen de la décision des juges réunis en plénière et doit être rejetée. Elle a également affirmé que, contrairement à l’argument de la défense, l’article 40(2) ne renfermait pas d’interdiction générale pour les juges à temps partiel d’exercer certaines fonctions professionnelles.

Me Bensouda a également soutenu que les fonctions de la juge Ozaki d’ambassadrice du Japon en Estonie exercées simultanément à celles d’un juge à temps partiel dans le procès Ntaganda étaient limitées à des relations bilatérales entre les deux pays et n’avait aucun lien avec l’affaire Ntaganda. Elle a déclaré, de plus, que la juge avait apporté de « fortes garanties » afin d’éviter toute apparence de partialité ou de manque d’indépendance.

Lors de sa demande de maintien de ses fonctions au sein de la CPI parallèlement à ses fonctions de diplomate, la juge Ozaki a affirmé que son poste d’ambassadrice n’interfèrera jamais avec sa fonction judiciaire dans le procès et n’affectera pas la confiance en son indépendance. La juge Ozaki a déclaré, « Dans le cas d’une incidence sur l’affaire Ntaganda, je m’abstiendrais d’exécuter mes fonctions à cet égard ou j’en aviserais immédiatement la Cour. J’assure également à la Cour être prête à retourner siéger à la Cour pour m’acquitter de mes fonctions judiciaires et que, dans ce cas, je n’agirai d’aucune manière comme ambassadrice du Japon en Estonie ».

Le procureur a également souligné que la juge a renoncé à son poste diplomatique le 19 avril, ce qui signifie qu‘elle « a occupé les deux postes pendant une durée très limitée et seulement après la clôture des mémoires et après que les délibérations sur le jugement soient closes ».

Cependant, l’avocat de la défense Stéphane Bourgon a soutenu que la démission de la juge était insuffisante pour restaurer une apparence d’indépendance judiciaire ou d’impartialité de cette juge. Il a indiqué que, bien au contraire, la juge Ozaki a exercé ses fonctions de diplomate japonaise pendant quelque temps, « créant une association qui n’a pas été dissipée par sa démission ultérieure, notamment parce qu’elle a nié que sa démission était nécessaire pour restaurer son indépendance en tant que juge ».

Me Bourgon a également soutenu que, puisque la juge n’a plus le poste diplomatique qu’elle souhaitait tant au point qu’elle ait souhaité une récusation de la CPI afin de l’obtenir, un observateur raisonnable ne pouvait qu’appréhender une apparence de partialité contre M. Ntaganda qui demandait sa récusation. Il a indiqué que cette attitude soulignait son manque d’indépendance en tant que juge.

La juge Ozaki siège à la Chambre de première instance VI qui est en charge de l’affaire Ntaganda depuis sa constitution en 2014. Son mandat en tant que juge de la CPI s’est conclu le 10 mars 2018 mais elle est restée en fonction pour siéger jusqu’à la conclusion du procès Ntaganda. Conformément à l’article 36(10), un juge affecté à une chambre de première instance doit rester en fonction pour conclure tout procès ou appel dont les audiences ont déjà commencé.

La juge Ozaki a jusqu’au 3 juin pour présenter toute observation sur la demande relative à sa récusation.