Les juges rappellent un ancien milicien deux jours après qu’il ait témoigné au procès Ntaganda

Ce matin, les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont rappelé un témoin de l’accusation afin qu’il apporte un témoignage complémentaire au procès de Bosco Ntaganda. On ignore le motif pour lequel l’ancien combattant de la milice dans laquelle M. Ntaganda était commandant a été rappelé. Il semble toutefois que l’ancien milicien, qui témoigne sous le pseudonyme de témoin P888, sera interrogé sur ses dossiers scolaires.

L’interrogatoire du témoin P888 par les parties a été mené aujourd’hui en totalité à huis clos. Le témoin a comparu devant les juges lundi dernier et a témoigné avoir été recruté dans l’Union des patriotes congolais (UPC) lors du conflit ethnique qui s’est déroulé dans la province congolaise d’Ituri en 2002-2003. Il s’est rappelé des ordres que l’accusé donnait aux recrues pour tuer les civils appartenant à des groupes ethniques rivaux. L’ancien combattant a également témoigné des conditions « difficiles » au camp d’entraînement du groupe situé à Mandro, notamment des faibles rations lors des repas ainsi que des tâches telles que la construction des maisons des commandants.

Entretemps, la directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch (HRW) a conclu hier son témoignage. Lors du contre-interrogatoire mené par la défense, Anneke Van Woudenberg, dont les rapports et d’autres documents ont été versés aux débats par l’accusation, a rejeté les observations de la défense qui jetaient un doute sur la crédibilité des conclusions présentées dans ses rapports sur les atrocités qui auraient été commises par l’UPC.

Dans un de ses rapports intitulé Le fléau de l’or, Mme Van Woudenberg détaille les attaques de l’UPC dans la ville de Mongbwalu et dans les villes avoisinantes de Kobu, Lipri, Bambu et Mbijo durant lesquelles plusieurs civils auraient été massacrés. Dans ce rapport et dans d’autres documents, M. Ntaganda aurait dirigé certaines attaques.

Selon Mme Van Woudenberg, les conclusions selon lesquelles M. Ntaganda était responsable se fondaient sur les entretiens réalisés avec 22 personnes qui étaient soit des victimes soit des témoins oculaires lors des évènements qui se sont déroulés à Mongbwalu fin 2002 et début 2003. Parmi les personnes qu’elle a interviewées, et dont elle a corroboré, les récits figurent d’anciens soldats « ayant une connaissance approfondie de l’UPC », des civils et un chercheur d’or.

Lors du contre-interrogatoire du témoin, l’avocat de la défense Christopher Gosnell a suggéré que 2 personnes au plus, parmi les 22 interviewées, lui avaient fourni directement des informations sur le rôle de M. Ntaganda pendant les attaques de Mongbwalu.

Je ne suis pas d’accord avec vous », a répondu Mme Van Woudenberg. Elle a ajouté : « Tout le monde ne peut pas voir le commandant responsable. Les vingt-deux sources ont donné des informations sur M. Ntaganda. Certains l’ont vu lors des affrontements, certains les jours qui ont suivi. On a dit à certains d’entre eux qu’ils devaient parler à M. Ntaganda pour récupérer leurs biens volés. Cela montre clairement que M. Ntaganda était chargé des combats à Mongbwalu en novembre 2002 ».

Me Gosnell a également interrogé Mme Van Woudenberg sur l’une des 12 photographies admises en tant qu’éléments de preuve par les procureurs. La photo, montrée en audience, qui représente un homme portant un tee shirt déchiré et tenant une machette à la main, est accompagnée de la légende ‘Un combattant Hema de l’UPC patrouillant un village en Ituri’.

Interrogé par Me Gosnell pour savoir si un élément dans l’apparence de la personne indiquait qu’il ne s’agissait pas d’un membre de l’UPC, Mme Van Woudenberg a répondu que, parmi tous les combattants qui participaient au conflit, y compris ceux de l’UPC, certains ne portaient pas d’uniforme. « Certains le portaient à moitié, le haut ou le bas. Même si cela nous laisse perplexe, cela ne nous confirme pas que ce n’est pas un membre de l’UPC », a-t-elle ajouté.

« Avez-vous vu des membres de l’UPC dans cette tenue ? », a interrogé Me Gosnell.

« Oui, ainsi que des combattants d’autres groupes armés », a répondu Mme Van Woudenberg, qui a travaillé en tant que chercheuse de Human Rights Watch en Ituri entre juillet 2002 et la fin de 2004.

Les juges ont également entendu hier et aujourd’hui la déposition d’un autre témoin de l’accusation. Témoignant avec une déformation numérique de la voix et du visage afin de protéger son identité, le témoin, se présentant sous le pseudonyme de témoin P877, a, jusqu’à présent, apporté l’essentiel de son témoignage à huis clos. Dans les brefs moments donnés en séance publique, le témoin P877 a confirmé l’exactitude de sa déclaration aux procureurs ainsi que celle de plusieurs croquis qu’il a dessiné et qui représentent l’aéroport de Mongbwalu, le centre ville de Kilo et Kobu.

Les audiences du procès se poursuivront lundi prochain avec la suite de la déposition du témoin P877.