La Chambre d’appel affirme que la CPI peut juger M. Ntaganda pour le viol d’enfants soldats

La Chambre d’appel a affirmé que la Cour pénale internationale (CPI) était compétente pour juger les affaires dans lesquelles les soldats d’un groupe armé avaient commis des crimes de guerre à l’encontre de membres du même groupe. La décision a mis fin à l’allégation de Bosco Ntaganda selon laquelle la Cour basée à La Haye n’avait pas le mandat de le juger pour le viol présumé d’enfants soldats.

Ntaganda répond de 18 chefs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. En vertu des chefs d’accusation six et neuf, l’ancien chef rebelle congolais est accusé du viol et de l’esclavage sexuel d’enfants soldats qui servaient dans l’Union des patriotes congolais (UPC), des crimes perpétrés par des combattants de la même milice. Les crimes présumés auraient été commis en 2002 et 2003 lorsque lui-même, avec d’autres membres de son groupe, constituait une milice qui figurait parmi les milices participant activement au conflit du district de l’Ituri, au Congo.

L’accusation soutient que M. Ntaganda, en tant qu’ancien chef adjoint de l’état-major, est pénalement responsable des présumés viol et esclavage sexuel d’enfants soldats perpétrés au sein de la milice par des commandants et des soldats de l’UPC.

Les avocats de la défense ont entrepris une lutte de longue haleine contre ces charges, arguant depuis l’étape préliminaire que, conformément à l’article 3 des Conventions de Genève de 1949, les membres d’une force armée ne pouvaient perpétrer des crimes de guerre à l’encontre d’autres membres de la même force armée. Selon eux, la victime de crimes de guerre dans un conflit armé non international doit être une personne protégée au sens de l’article 3, ce qui signifie une personne « ne participant pas activement aux hostilités ».

De plus, la défense a soutenu que ces crimes pouvaient être érigés en infraction pénale et punis dans le pays, comme tous les autres crimes commis par les soldats à l’encontre de membres de la même force.

Cependant, dans une décision du 6 juin 2017, la Chambre d’appel, présidée par le juge Sanji Mmasenono Monageng, a rejeté les arguments des avocats de M. Ntaganda. La chambre a considéré que « le droit international humanitaire ne régissait pas uniquement les actions des parties au conflit les unes par rapport aux autres mais traitait également de la protection des personnes vulnérables lors d’un conflit armé et de l’assurance des garanties fondamentales de personnes ne participant pas activement à des hostilités ».

Les juges d’appel ont souligné que l’article 8(2)(b)(xxii) et (2)(e)(vi) du Statut de Rome ne prévoit pas expressément que les victimes de viol ou d’esclavage sexuel soient « des personnes protégées » au sens des Conventions de Genève ou « des personnes ne participant pas activement à des hostilités ». Cela signifie que les membres d’un groupe armé ne sont pas systématiquement exclus de la protection contre les crimes de guerre de viol et d’esclavage sexuel lorsqu’ils sont commis par des membres du même groupe armé.

L’article 8 du Statut de Rome énumère les crimes de guerre pour lesquels la CPI a compétence, tels que le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée et les autres formes de violence sexuelle qui constituent une grave violation des Conventions de Genève.

De plus, la Chambre d’appel s’est rallié à la conclusion des juges de première instance selon laquelle « il n’existe aucune justification pour participer à une violence sexuelle commise à l’encontre de quiconque, indépendamment du fait que cette personne puisse être tenue responsable du fait d’avoir été prise pour cible et tuée en vertu du droit humanitaire international ».

Dans leur décision de janvier dernier, les juges de première instance ont affirmé que bien que la plupart des interdictions expresses de viol et d’esclavage sexuel imposés par le droit international humanitaire apparaissent dans des contextes de protection de civils et de personnes hors de combat dans un conflit, ces protections explicites ne définissent ou ne limitent aucunement de manière exhaustive l’étendue de la protection contre ces conduites. Les juges première instance, Robert Fremr (juge président), Kuniko Ozaki et Chang-ho Chung ont conclu que la limitation de l’étendue de la protection sur le mode proposé par la défense « serait contraire à la raison d’être du droit international humanitaire qui vise à atténuer les souffrances résultant d’un conflit armé ».

La Chambre de première instance avait initialement rejeté la contestation de M. Ntaganda en octobre 2015, un mois après l’ouverture du procès, affirmant qu’il n’était pas nécessaire de s’occuper de cette question à ce stade du procès puisque ces questions de droit substantiel avaient été traitées lorsque la chambre avait déterminé si l’accusation avait prouvé les crimes retenus.

Après l’appel de la défense, la Chambre d’appel avait décidé que « la question de savoir s’il existe des restrictions sur les catégories de personnes qui pourraient être victimes des crimes de guerre de viol et d’esclavage sexuel est une question juridique essentielle qui est de nature juridictionnelle ». Par conséquent, la Chambre d’appel a renvoyé l’affaire à la Chambre de première instance pour qu’elle réponde à M. Ntaganda concernant sa contestation de la compétence de la Cour pour les chefs d’accusation six et neuf.

Ntaganda a débuté son témoignage pour sa propre défense il y a près de deux semaines et son témoignage pourrait durer jusqu’à six semaines. Il est le deuxième témoin appelé par ses avocats depuis le début de la présentation des moyens de la défense le 29 mai.