M. Ntaganda déclare que le président de l’Ouganda Yoweri Museveni l’a inspiré

Pour son troisième jour de témoignage devant la Cour pénale internationale (CPI), Bosco Ntaganda a expliqué les motivations de son engagement dans différents groupes rebelles au Congo. Il a déclaré aux juges qu’il avait été inspiré pour la création d’un nouveau groupe de combat dans l’est de la République démocratique du Congo par l’exemple du président ougandais Yoweri Museveni, qu’il a décrit comme ayant commencé sa rébellion avec 27 hommes pour ensuite réussir à renverser le gouvernement.

« Museveni est au pouvoir car ils sont allés dans la brousse, ils étaient juste 27 personnes. Dans l’histoire de la région, il n’y a personne qui ressemble à ces 27 combattants », a affirmé M. Ntaganda alors qu’il témoignait à son procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ces crimes auraient été commis quand M. Ntaganda occupait les fonctions de chef adjoint de l’état-major de la milice dénommée Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC).

M. Ntaganda a déclaré que, à l’été 2000, il avait lancé la création d’une milice d’auto-défense du nom de Chui Mobile Force, avant qu’elle ne se transforme en FPLC pour protéger les membres des groupes ethniques Hema et Tutsi, qui avaient subi de fortes discriminations et attaques dans certaines parties de l’est du Congo.

Selon l’accusé, les officiers de haut rang des deux groupes ethniques avaient été expulsés du Rassemblement congolais pour la démocratie-Kinsangani (RCD-K), un mouvement rebelle plus large formé après l’apparition de divergences entre les alliés appartenant à l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) qui gouvernait le Congo à l’époque. M. Ntaganda a combattu avec l’AFDL et l’a aidé à renverser le dictateur congolais Mobutu Sese Seko en 1997.

M. Ntaganda n’a pas dit pourquoi les deux groupes ethniques avaient subi une persécution au sein du RCD-K. Il a cependant affirmé dans son témoignage d’hier que, peu de temps après avoir pris le pouvoir, le gouvernement de l’AFDL avait émis un communiqué selon lequel les Tutsis et les personnes ressemblant à des Tutsis étaient des « vermines » qui devaient être tuées.

« Nous étions mécontents de la discrimination qu’ils pratiquaient », a déclaré M. Ntaganda aujourd’hui, faisant référence au groupe RCD-K. « Nous étions prêt à combattre et à mourir ». Il a ajouté que, une fois qu’il était revenu d’Ouganda, où il avait suivi un traitement après avoir été blessé par des éclats d’obus, il avait vu des écoles et des maisons détruites par la milice RCD-K dans plusieurs villes dont Mahagi.

M. Ntaganda a déclaré qu’il avait rencontré, avec d’autres membres de la Chui Mobile Force, des hauts dirigeants ougandais, notamment le premier ministre Ruhakana Rugunda (conseiller de la présidence à l’époque) et le ministre du travail et du développement social Muruli Mukasa (ministre de la sécurité à l’époque). « Nous leur avons dit que nous avions le soutien des civils », a indiqué M. Ntaganda. « Ils nous ont affirmé que, lorsqu’ils étaient dans la brousse [guérilleros], ils avaient le soutien de la population civile, ce qui leur a permis [de prendre le pouvoir] ».

Selon lui, après une réunion en particulier qui s’est tenue à Bunia, dans l’est du Congo, à laquelle avait assisté le maire de l’époque Leo Kyanda, (actuellement brigadier et jusqu’à décembre dernier chef d’état des forces terrestres de l’armée ougandaise), l’Ouganda aurait accepté d’entraîner M. Ntaganda et sa milice de 150-200 combattants. « L’objectif était d’obtenir une formation afin de pouvoir rentrer et protéger la population civile. Car, lorsque nous étions dans la brousse, nous avions fait part de notre idéologie selon laquelle nous avions besoin de protéger les civils qui étaient attaqués », a affirmé M. Ntaganda.

L’avocat de la défense Stéphane Bourgon a ensuite demandé, « Vous deviez rentrer et protéger la population civile. Comment comptiez-vous le faire ? ».

« Nous n’avions parlé d’aucun plan en particulier », a répondu M. Ntaganda. « Lorsque l’on nous a dit que nous devions rentrer chez nous et protéger la population, je n’ai pas demandé si nous agissions en tant que Chui Mobile Force … et lorsque j’ai appris que nous allions être entraînés en tant qu’officiers en Ouganda, j’ai pensé que c’était une opportunité que nous devions saisir pour améliorer nos compétences ».

Il a précisé que, en Ouganda, ses miliciens avaient été entraînés à l’école militaire de Kyankwanzi, tandis que les commandants avaient reçu un entraînement complémentaire à l’école militaire de la ville de Jinja. M. Ntaganda a également déclaré que, avant qu’il ne soit évincé du RCD-K, les soldats de l’armée ougandaise qui encadraient le groupe « étaient très proches de moi » et qu’ils embrassaient l’idéologie de libération dans laquelle il croyait.

Jusqu’à présent, le témoignage de M. Ntaganda s’est concentré sur le contexte de son engagement dans des groupes armés au Rwanda et au Congo. Son témoignage devrait durer six semaines.

M. Ntaganda poursuivra son témoignage le 27 juin.