M. Ntaganda nie avoir été le chef militaire de la milice de l’UPC

Dans la suite de son témoignage apporté devant la Cour pénale internationale (CPI), Bosco Ntaganda a nié les affirmations de l’accusation selon lesquelles il était de facto le chef militaire de la milice dénommée Union des patriotes congolais (UPC).

Lors du contre-interrogatoire mené par l’accusation, M. Ntaganda a déclaré qu’en 2002 et 2003, il était subordonné au chef d’état-major de l’UPC, Floribert Kisembo. Il a ajouté qu’il était également subordonné à Thomas Lubanga qui était le chef politique du groupe.

« Vous court-circuitiez M. Kisembo lorsque vous donniez des ordres et répondiez aux commandants. Est-ce exact ? », a demandé le substitut du procureur Nicole Samson.

« Si je les court-circuitais, alors notre armée aurait été détruite », a indiqué M. Ntaganda, qui exerçait les fonctions de chef d’état-major de l’UPC.

Lundi, Me Samson a présenté des journaux de communication qui, selon elle, indiquait que M. Ntaganda avait répondu directement aux messages des commandants présents sur le terrain et avait donné des directives, parfois sans mettre en copie M. Kisembo.

Ntaganda a expliqué qu’il avait souvent répondu rapidement aux messages et si nécessaire mais qu’il n’y avait « aucun soupçon » quant au fait que M. Kisembo était également en mesure d’envoyer et de répondre aux messages. « Vous avez mon journal des communications ici. Peut-être que M. Kisembo a répondu [aux mêmes messages] si vous aviez son journal des communications », a précisé M. Ntaganda.

Dans des extraits d’une interview que M. Kisembo a enregistré en novembre 2005 avec une partie anonyme et présentée en audience vendredi dernier, le commandant, qui est depuis décédé, déclarait que M. Ntaganda avait tenté de prouver qu’il était « meilleur » que lui au sein de l’UPC puisqu’il avait plus d’expérience dans l’armée. « Il avait un complexe, il ne voulait me donner aucun rapport et était toujours distant avec moi », aurait déclaré M. Kisembo.

Interrogé par Me Samson pour savoir si les extraits de l’interview résumaient sa relation avec M. Kisembo, M. Ntaganda a répondu que l’interview avait eu lieu après que M. Kisembo ait fait défection à l’UPC et ait créé son propre parti en décembre 2003.

« À l’époque, nous étions ennemis, est-ce que vous croyez qu’il aurait quelque chose de positif à dire à mon sujet ? », a indiqué M. Ntaganda. Il a ajouté que, avant le décès de M. Kisembo en 2011, ils s’étaient réconciliés après que M. Kisembo lui ait rendu visite dans la ville congolaise de Goma. M. Kisembo aurait dit à M. Ntaganda qu’il avait refusé de coopérer avec les fonctionnaires de la Cour qui lui avaient demandé de témoigner contre M. Lubanga.

Selon M. Ntaganda, il n’y avait aucune rivalité entre lui et M. Kisembo de 2002 à 2003. Bien qu’ils aient des niveaux différents d’expérience militaire, M. Ntaganda a affirmé qu’il respectait son supérieur et que leurs relations étaient amicales.

Ntaganda a également rejeté les indications de l’accusation selon lesquelles M. Lubanga le désignait souvent comme étant le chef d’état-major. « Il [Lubanga] avait signé un décret me désignant chef adjoint de l’état-major qui est le poste que j’occupais Il me qualifiait de commandant », a déclaré M. Ntaganda.

Entretemps, Me Samson a contesté les affirmations de M. Ntaganda selon lesquelles il représentait un bon exemple pour la discipline au sein de ses troupes. Elle a déclaré à M. Ntaganda que sa conduite personnelle, notamment le fait de prendre une seconde femme, contraire à ses croyances religieuses, a montré le mauvais exemple.

« Votre conduite a montré que vous faisiez ce que vous voulez, quelles qu’en soient les conséquences », a déclaré Me Samson.

« Non », a répondu M. Ntaganda, qui a soutenu qu’il était allé à l’encontre des diktats de l’église Adventiste du Septième Jour à laquelle il appartenait et des croyances de son père en prenant une seconde femme dans le but de réconcilier deux communautés ethniques en conflit.

Ntaganda est jugé devant la Cour basée à La Haye pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont le meurtre, le viol, l’esclavage sexuel, le pillage et l’utilisation d’enfants soldats, entre autres. Il est accusé de porter la responsabilité pénale individuelle en tant qu’auteur direct, co-auteur indirect et en tant que commandant militaire pour les crimes qui auraient été commis par l’UPC à l’encontre de la population civile non Hema de l’Ituri entre août 2002 et mai 2003. Il a plaidé non coupable au procès qui a débuté en septembre 2015.

Ntaganda témoigne pour sa propre défense devant la CPI depuis le 14 juin et son contre-interrogatoire menés par les procureurs a commencé jeudi dernier. L’accusation a indiqué qu’elle avait l’intention d’utiliser 1 400 documents lors de son contre-interrogatoire. Cependant, avant le début de son contre-interrogatoire, la défense a contesté l’utilisation de 14 documents, qui n’ont été divulgués que la semaine dernière.

Dans une décision orale, les juges ont empêché les procureurs d’utiliser les 14 documents jusqu’au jeudi de cette semaine. Entretemps, pour garantir l’équité de la procédure, les juges ont accordé à la défense le droit de discuter de ces éléments avec M. Ntaganda.

Les audiences du procès devraient se poursuivre toute la semaine.