Le juge rejette la demande d’appel des charges confirmées déposée par M. Ntaganda

La demande d’appel par Bosco Ntaganda d’au moins 8 des 18 charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité confirmées à son encontre devant la Cour pénale internationale (CPI) a été rejetée.

Dans une décision du 4 juillet 2014, la juge de première instance Ekaterina Trendafilova a décidé que l’argument de M. Ntaganda selon lequel le fait de se baser sur des éléments de preuve indirects, des déclarations de témoins anonymes ou des déclarations de témoins décédés pour confirmer certaines charges était erroné et, par conséquent, constituait l’objet d’un appel, était « trompeur ».

Dans une demande du 16 juin, l’avocat de la défense de M. Ntaganda, Marc Desalliers, a sollicité l’autorisation d’interjeter appel de la décision de confirmation au motif que la défense ne pourrait révoquer les preuves, notamment les témoignages anonymes, les rumeurs et les témoins décédés. Selon M. Desalliers, les juges de première instance se basaient « exclusivement sur des éléments de preuve que la défense était incapable de révoquer raisonnablement, sans examiner si […] [ils] avaient été corroborés ou si l’admission pouvait porter préjudice à la défense ». De ce fait, la défense a été placée dans une position « difficile » et « limite » pour révoquer la crédibilité et la fiabilité d’une preuve.

L’accusation s’est opposée à la demande de la défense, affirmant qu’elle « représentait simplement un désaccord de la défense avec la manière dont la chambre appréciait l’élément de preuve dont elle disposait ». Les représentants légaux des victimes participant au procès se sont également opposés à la demande de la défense.

Lors de sa détermination, la juge Trendafilova a considéré que l’existence de « l’objet d’un appel » doit prendre en compte l’effet de l’objet sur l’équité et la rapidité du procès ainsi que sur l’issue du procès.

À cet égard, la juge a rejeté l’argument de la défense, allant dans le sens des allégations de l’accusation selon lesquelles le cœur de l’argument de la défense était un « désaccord » avec la chambre sur le type d’élément de preuve utilisé pour confirmer les charges. Elle a ajouté que la chambre avait le pouvoir discrétionnaire d’évaluer librement tous les éléments de preuve soumis pour déterminer leur pertinence ou leur admissibilité.

« La capacité de la chambre à évaluer l’élément de preuve à cette phase n’est pas illimitée et ne doit pas être comparée à l’évaluation faite lors du procès », a déclaré la juge.

Elle a ajouté que, conformément aux dispositions de l’article 61 du Statut de Rome, le procureur pouvait s’appuyer sur des éléments de preuve sous forme de documents ou de résumés et pouvait ne pas appeler à comparaître les témoins prévus au procès lors de la phase de confirmation des charges. L’utilisation de ces preuves, même lorsque l’identité des témoins n’est pas connue de la défense, « n’est pas nécessairement préjudiciable ou en contradiction avec les droits de l’accusé à bénéficier d’un procès équitable et rapide ».

La juge Trendafilova a également décidé que tout au long du processus de confirmation, le suspect ne sera pas privé mais aura toutes les opportunités de contester ou de faire objection à des éléments de preuve et à des charges portées à son encontre.

En outre, la juge a fait remarquer que la défense avait précédemment exprimé des préoccupations similaires sur ses droits à contester la fiabilité et la crédibilité des preuves. Dans une décision antérieure de juin 2014, la chambre avait décidé que la défense pouvait « anticiper n’importe quel enjeu relatif à la pertinence ou à l’admissibilité d’éléments de preuve lors de la phase du procès ».

« Il en va de même pour l’argument de la défense concernant le recours par la chambre aux déclarations de témoins décédés et l’impossibilité de les contester », a déclaré le juge unique dans une décision de juillet.

Juin dernier, la chambre préliminaire II a conclu qu’il existait des motifs substantiels de croire qu’en 2002 et 2003, les troupes appartenant aux Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) avaient commis des crimes sur la population civile de la province d’Ituri, en République démocratique du Congo. Elle a également déterminé que, en tant que sous-chef d’état-major du groupe, M. Ntaganda portait la responsabilité criminelle des crimes présumés, notamment le meurtre, la tentative de meurtre, le viol, l’esclavage sexuel, le transfert forcé de population, le déplacement de civils, les attaques contre des biens protégés, le pillage, la destruction de biens et l’utilisation d’enfants soldats.

Depuis la décision de confirmation, la chambre de première instance VI composée des juges Robert Fremr (président), Kuniko Ozaki et Geoffrey Henderson a été constitué pour juger M. Ntaganda. Entretemps, M. Desalliers, qui représentait l’accusé depuis sa reddition volontaire à la Cour en avril 2013, s’est retiré de l’affaire en raison de différends « irréconciliables » avec son client.

La date de l’ouverture des procédures n’a pas encore été fixée.