Procès Ntaganda : l’Ouganda citée pour l’entraînement des enfants soldats

Après une pause d’un mois, Bosco Ntaganda a repris son témoignage apporté pour sa propre défense devant la Cour pénale internationale (CPI), niant avoir eu connaissance de l’existence d’enfants soldats au sein de la milice congolaise entraînée par le gouvernement ougandais.

Lors du contre-interrogatoire mené par le substitut du procureur Nicole Samson, M. Ntaganda a déclaré que les autorités ougandaises étaient chargées de l’entraînement et qu’il « n’était pas en mesure de connaître » l’âge de recrues transportées par voie aérienne vers l’Ouganda en 2000.

Selon l’accusation, en août 2000, l’armée ougandaise avait transporté par voie aérienne jusqu’à 700 combattants de la milice congolaise pour les entraîner dans deux écoles militaires situées en Ouganda. Me Samson a affirmé que les personnes entraînées comprenaient jusqu’à 163 enfants, dont certains étaient âgés de moins de 18 ans tandis que d’autres avaient moins de 15 ans. Lorsque M. Ntaganda a été interrogé pour savoir si, puisqu’il était un des chefs des groupes qui avaient fourni les combattants, il avait eu connaissance de personnes entraînées mineures, sa réponse a été négative.

« Je n’étais pas en mesure de connaître l’âge de ces recrues car je n’étais pas avec ces recrues », a-t-il déclaré.

M. Ntaganda, qui était à l’époque également en Ouganda, a expliqué que lui-même ainsi que d’autres hauts combattants rebelles étaient entraînés dans des camps militaires différents de ceux où les recrues étaient formées. M. Ntaganda était à Jinja, à 80 kilomètres à l’est de la capitale ougandaise de Kimpala, alors que les recrues étaient entraînées dans un lieu dénommé Kyankwanzi, situé à 150 kilomètres au nord-ouest de Kampala.

Me Samson a ensuite demandé si, à l’époque, M. Ntaganda avait entendu parlé des efforts déployés par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) pour garantir la démobilisation de 163 recrues mineures qui étaient à Kyankwanzi.

L’avocat de la défense Stéphane Bourgon s’est opposé à la question de l’accusation, suggérant qu’il faudrait indiquer aux témoins de la défense à venir les personnes qui témoigneront a sur ce qui s’est passé à Kyankwanzi. Me Samson a ensuite reformulé sa question, demandant à M. Ntaganda si, pendant ou après l’entraînement en Ouganda, il avait entendu parler de recrues mineures à Kyankwanzi.

« Je ne me souviens pas que cette tranche d’âge ait été prise en considération pour la démobilisation mais je sais que je n’avais pas cette information lorsque j’étais sur le lieu d’entraînement », a répondu M. Ntaganda. Il a ajouté, « je ne sais pas quand les ONG [organisations non gouvernementales] sont arrivées à Kyankwanzi pour entreprendre la démobilisation dont vous parlez ».

Me Samson a lu des extraits d’un rapport d’Human Rights Watch de 2001, qui indiquait que lorsque l’Ouganda avait offert de transporter en train les membres de la milice congolaise, leur nombre était passé de 300 à 700.

Selon le rapport, alors que les habitants du district de l’Ituri, au Congo, attendaient que l’armée ougandaise désarme les combattants de la milice, l’Ouganda avait, au contraire, transporté par voie aérienne 700 d’entre eux, notamment ceux qui avaient moins de 15 ans, vers l’Ouganda, juste après que les Nations unies aient reconnu la nécessité de mettre un terme à l’utilisation d’enfants soldats. À l’époque, les forces ougandaises étaient présentes au Congo pour combattre aux côtés de groupes rebelles qui s’opposaient au gouvernement de Kinshasa.

M. Ntaganda est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui auraient été commis par lui-même et par ses subordonnés des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) lors du conflit ethnique de 2002-2003 qui s’est déroulé en Ituri.

M. Ntaganda a témoigné que la décision de transporter les combattants de la milice par train a été prise par les autorités ougandaises et que les dirigeants ougandais étaient responsables de l’entraînement.

M. Ntaganda avait précédemment témoigné que, à l’été 2000, il avait dirigé la formation d’une milice d’autodéfense dénommée Chui Mobile Force, avant qu’elle ne devienne les FPLC, pour protéger les membres des groupes ethniques Hema et Tutsi qui subissaient une grave discrimination et des attaques dans des régions de l’est du Congo.

En juin, M. Ntaganda a témoigné que des membres de sa milice avait rencontré de hauts fonctionnaires ougandais, notamment l’actuel premier ministre Ruhakana Rugunda (ministre des Affaires étrangères de l’époque) et le maire de l’époque Léo Kyanda (actuellement brigadier et, jusqu’à décembre dernier chef d’état-major des forces terrestres de l’armée ougandaise). C’est après ces réunions que l’Ouganda avait transporté par voie aérienne les miliciens vers l’Ouganda.

Selon l’accusation, 200-300 des 700 personnes entraînées et transportées par voie aérienne vers l’Ouganda appartenaient à la Chui Mobile Force de M. Ntaganda et le reste provenait de l’Union des patriotes congolais (UPC) de Thomas Lubanga, dont la milice FPLC incorporait des combattants de M. Ntaganda. M. Lubanga purge actuellement une peine de 14 ans après avoir été déclaré coupable par la CPI du recrutement et de l’utilisation d’enfants soldats en République démocratique du Congo.

À l’audience d’aujourd’hui, Me Samson et M. Ntaganda ont montré leur désaccord sur les dates auxquelles les combattants avaient été transportés par voie aérienne vers l’Ouganda. Alors que Me Samson a fourni des documents indiquant qu’ils avaient été transportés par voie aérienne en août 2000, M. Ntaganda a déclaré qu’ils s’étaient rendus dans le pays voisin en octobre de cette année.

L’accusation poursuivra le contre-interrogatoire de l’accusé demain matin.