Les victimes des crimes de Bosco Ntaganda ont indiqué les types de réparations qu’elles souhaiteraient recevoir une fois que les juges de la Cour pénale internationale (CPI) auront émis une ordonnance accordant réparations dans l’affaire de l’ancien chef rebelle congolais.
Selon Sarah Pellet, qui représente les enfants soldats participant en tant que victimes au procès, les victimes ont régulièrement fait savoir leur préférence pour un élément individuel dans les réparations. Elle a souligné que les anciens enfants soldats qui ont été également victimes de viol ou d’esclavage sexuel ont subis des préjudices particulièrement importants et ont demandé aux juges de leur accorder des réparations individuelles sous la forme d’une somme forfaitaire symbolique qu’ils pourraient utiliser comme ils le souhaitent.
Me Pellet a expliqué que les victimes de viol et d’esclavage sexuel souffrent de traumatismes durables et souhaitent recevoir un soutien médical. La plupart d’entre elles a également demandé un soutien psychologique parce qu’elles se sentent toujours traumatisées et que certaines d’entre elles ont besoin d’aide pour combattre leur alcoolisme et leur toxicomanie.
L’avocat des victimes a ajouté que, en supposant que 30 % des 3 000 enfants soldats estimés ayant servi au sein de la milice de M. Ntaganda aient subi une violence sexuelle, le nombre de bénéficiaires pourrait encore être gérable. Elle a suggéré que les bénéficiaires de réparations individuelles soient identifiés à la phase de mise en œuvre.
L’année dernière, les juges de la CPI ont condamné M. Ntaganda pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont l’esclavage sexuel et le viol, notamment d’enfants soldats qui avaient servi au sein de la milice qu’il commandait. Depuis, les juges ont nommé des experts pour les conseiller sur la nature et l’étendue des réparations. Le rapport des experts, ainsi que les observations des parties, apporterons des éléments utiles aux fins de l’ordonnance de réparation que les juges émettront. Les conclusions finales des parties doivent être déposées avant la mi-décembre de cette année.
Le nombre de victimes qui ne bénéficieront pas de réparations dans l’affaire Ntaganda n’a pas encore été déterminé. Un total de 2 129 victimes a participé à son procès et a également été autorisé à participer aux procédure d’appel de la condamnation et de la peine. Le Greffe de la Cour procède actuellement à une évaluation des nouveaux bénéficiaires des réparations.
Me Pellet a déclaré que, bien que des consultations aient été menées avec les victimes avant qu’elle ne dépose ses observations auprès des juges, les contraintes budgétaires l’ont empêchée, ainsi que ses collègues sur le terrain, de se rendre en Ituri pour rencontrer les victimes. Ils ont plutôt réalisé des interviews par téléphone avec un échantillon représentatif des 283 victimes qu’ils représentent.
« Une grande majorité d’entre elles a exprimé une préférence pour des réparations individuelles, bien qu’elles accepteraient également des réparations collectives avec une composante individuelle », a-t-elle indiqué. Les victimes ont sollicité une aide financière pour revenir dans leurs villes, reconstruire leurs maisons et subvenir aux besoins de leurs enfants.
Selon le Règlement de la cour, les réparations peuvent être individuelles pour certaines victimes ou collectives pour un groupe et les deux peuvent être accordées simultanément.
Dmytro Suprun, qui représente un second groupe de victimes, a déclaré qu’elles préféraient des réparations individuelles mais à condition qu’elles soient équivalentes. Cependant, les victimes ont également compris que leur grand nombre pouvait soulever des problèmes pour le paiement de réparations individuelles. « Par conséquent, les victimes ont accepté l’octroi de réparations collectives présentant des éléments individuels sous la forme d’une réadaptation et d’une assistance dans les domaines sanitaire, psychologique et économique », a-t-il indiqué.
Selon Me Suprun, les initiatives devraient comprendre un appui médical et psychologique. Elles devraient également fournir des opportunités de formation, notamment des cours de formation scolaire et professionnelle ; une assistance dans la création de fermes ou d’autres types de coopératives ; une assistance aux jeunes entreprises ; des microcrédits et d’autres activités génératrices de revenus.
Me Suprun a déclaré : « Une grande majorité des victimes échantillonnées perçoivent la possibilité d’accéder à l’éducation comme une étape nécessaire pour réintégrer leur communauté et pour compenser les perturbations majeures de leur projet de vie causées par leur recrutement dans l’UPC / les FPLC lorsqu’ils étaient enfants ».
M. Ntaganda a été condamné pour des crimes commis en 2002 et 2003 lorsqu’il exerçait les fonctions de chef adjoint de l’état-major des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), la branche armée de l’Union des patriotes congolais (UPC) dirigée par Thomas Lubanga.
M. Lubanga a été la première personne condamnée par la CPI et les juges ont ordonné des réparations collectives pour les victimes, à savoir des mesures de réadaptation psychologique, des mesures de rééducation physique ainsi que des mesures socio-économiques. Dans l’affaire Germain Katanga, une compensation individuelle symbolique de 250 dollars US par victime a été octroyée ainsi que quatre projets de réparation collective sous la forme d’une aide au logement, d’une aide à l’éducation, d’activités génératrices de revenus et d’un appui psychologique.
Me Pellet a suggéré que les réparations des procès Lubanga et Ntaganda puissent se compléter mutuellement et viser conjointement à rétablir, dans la mesure du possible, les circonstances des victimes telles qu’elles étaient avant que les crimes ne soient commis. Cela permettrait d’éviter les redondances et de maximiser les avantages pour les victimes.
Me Pellet a, de plus, proposé que les réparations collectives compensent les préjudices subis par les anciens enfants soldats et leurs familles. Elles pourraient inclure un ensemble de services qui répondrait aux préjudices physiques et psychosociaux subis, fournirait des opportunités de soins sociaux et d’éducation et permettrait de réparer les relations familiales.